jeudi 1 janvier 2009

Voila pour bien commencer l'année foutre Dieu !

La Chronique Mensuelle de Michel Onfray
N° 44 - Janvier 2009
L’EAU BÉNITE N’EST PAS TOXIQUE
Je reçois souvent des messages de lecteurs qui, véhéments, souhaitent absolument se faire débaptiser et militent pour ce combat que je trouve très… chrétien. Ils souhaitent mon soutien dans cette aventure mais, comme je suis athée, je ne crois pas à l’eau bénite et je tiens à rassurer mes lecteurs : elle n’est pas toxique pour la santé, y compris mentale - pas plus que l’eau des cures thermales n’est bénéfique à l’organisme… Si l’abus d’alcool peut être dangereux, j’écris bien l’abus, celui de l’eau bénite est d’une totale innocuité.
Car pour tenir à ce point au débaptême, il faut croire… au baptême. Or qu’est-ce que ce sacrement ? Le baptême est donc, comme la confirmation et l’eucharistie, un sacrement chrétien : je ne crois pas aux sacrements chrétiens ; il est prescription du seigneur : je me moque des prescriptions de quelqu’un auquel je ne crois pas ; il est régénération en l’esprit saint : je ne crois pas en l’esprit saint ; il est effacement du péché originel : je ne crois pas au péché originel ; il est réitération de celui du christ : je ne crois pas en l’existence historique de Jésus, donc du christ, sa formule morte ; il est onction par le chrême : je ne crains pas cette huile d’olive ; il est nécessaire pour le salut : je ne crois pas une seconde à ces balivernes ; il est l’occasion de la rémission des péchés : je ne crois pas aux péchés chrétiens ; il confirme la grâce : je ne crois pas à la grâce ; il incorpore à l’Eglise : je me contrefiche de l’Eglise ; il est une marque spirituelle indélébile : je ne crois pas aux marques spirituelles indélébiles…
Pour vouloir se débarrasser du baptême comme d’une Tunique de Nessus, il faut sacrifier à toutes ces balivernes. De la même manière que le profanateur, le blasphémateur, l’iconoclaste affirment qu’ils croient au caractère sacré de l’objet profané, à la nature sacrée de la parole blasphématoire, à la force sacrée de l’image déchirée – d’où ma lecture d’un Sade et d’un Bataille encore chrétiens…- celui qui aspire au débaptême avec la même hystérie que le croyant fraîchement converti souhaite s’y faire admettre participent d’un même monde.
J’ai été baptisé, comme des millions de français, et cela ne m’empêche pas de dormir. L’eau bénite a été gâchée et l’huile d’olive aurait mieux servi si elle avait agrémenté un filet de poisson servi au presbytère par la bonne moustachue du curé, le tout accompagné d’un vin blanc qui, rappelons-le à nos lecteurs, n’est pas plus sang du christ que l’eau baptismale un liquide magique.
Enfant de chœur, je me goinfrais d’hosties avant l’heure du petit déjeuner, j’en mettais dans mon bonnet et les plongeais dans le café au lait de la pension, je buvais au goulot le vin blanc doux tiède de la sacristie, mais ça n’a pas fait avancer le nécessaire combat antichrétien. Tant qu’on perd son énergie à créditer un rite qu’on veut discréditer, on oublie de porter le fer là où il doit être porté. Car le christianisme fait plus de mal dans le formatage contemporain des corps que dans sa capacité à laisser des « traces spirituelles indélébiles » ! Cessons avec la superstition, toutes les superstitions, y compris les superstitions anticléricales.
Michel Onfray