Lorsque l'on est encor petit et que vient l'heure
Où le jour n'est plus là sans qu'il fasse encor nuit,
Quelle joie ! Au dehors, c'est l'hiver, le vent pleure ;
Au dedans, le feu clair danse et flambe a grand bruit.
"N'allumez pas encor la lampe. Chut ! silence !
Grand'mère, contez-nous l'Ogresse ou l'Oiseau bleu."
Dans l'horloge de bois, le tic-tac se balance ;
Le grillon fait son cri, le chat dort près du feu.
La troupe des enfants, assise en rond, écoute.
Ah que ce conte est beau ! qu'il fait peur et plaisir !
Mais la soupe est fumante ; allons, quoi qu'il en coûte, 
L'histoire s'entendra demain plus à loisir.
La lampe est arrivée en même temps. Tout brille.
Qu'il fait bon vivre autour de ces plats réchauffants,
Dans l'ordre et dans la paix de l'honnête famille,
A la table où vous rit une troupe d'enfants !
A la fin du repas la nappe blanche ôtée,
Ils admirent, d'un oeil quelquefois endormi,
La boîte de couleurs, le jour même achetée
Et le grand livre d'or, présent d'un vieil ami.
Oh ! les rires d'enfants, comme cela résonne !
Le plus jeune, surpris dans sa chaise dormant,
Fait le tour du salon sur les bras de sa bonne
Et dit bonsoir, d'un ton plein d'ennui, mais charmant.
Puis le livre est ouvert sous l'éclat de la lampe.
Des images, bon Dieu ! des rivières, des ponts !
Et les enfants courbés, se touchant de la tempe,
On voit des cheveux noirs mêlés aux cheveux blonds.

Jean AICARD